Une forteresse volante s’écrase entre Haversin, Buissonville et Serinchamps

 

 

(Old Hickory B-17G  42-97509  MIA 02 MAR 1944  358 BS)

    Je vous présente dans ces quelques pages le résumé d’une étude bien plus complète parue dans la revue du Cercle Historique de Rochefort en 2004 et dans la revue du Cercle Culturel de Ciney en 2005.  Dans ces revues, il y avait aussi un article intitulé « Forzée, bastion de la résistance pendant la guerre ».

 

 SOMMAIRE

 1.  Préambule

 

A.  Le début de la guerre – la Bataille d’Angleterre

      

      B.  Les Anglais attaquent le IIIe Reich

 

      C.  La 8e USAAF s’installe en Angleterre

 

D.  L’organisation des raids

 

E.  Les défenses allemandes

 

 2.  Une forteresse volante s’écrase entre Buissonville et Serinchamps

A.  La mission du 2 mars 1944

B.  Le bombardier « Old Hickory »

C.  L’avion est récupéré

D.  Les aviateurs sont récupérés

E.  Louis Piérard relate le sinistre…

F.  Le château de Vignée point de départ d’une filière d’évasion

G.  Que sont devenus les aviateurs ?

 

H.  David Wilson, mort dans un coin de notre Famenne…

 

I.  Les pérégrinations de trois de nos aviateurs

 

     Enfant, j’avais entendu mes parents relater le sinistre d’un bombardier tombé à trois ou quatre km de notre ferme, entre Buissonville et Haversin.  A cette époque, ces histoires « de grands » ne m’intéressaient guère et je n’ai pas tenté d’en savoir plus.

     Les années ont passé et il y a environ trois ans je me suis intéressé à ce sinistre.  J’ai interrogé des voisins qui ont vécu la guerre et je me suis rendu compte qu’au fil des années les bribes de souvenirs que l’on peut encore trouver sont déformés par le temps et bien souvent l’indifférence.  Au cours de ces entretiens, j’ai aussi appris qu’il y avait bien plus d’un avion qui s’était écrasé dans la région.

     Dans les éditions des 4 et 11 septembre 2003, Jean-Pierre Henrotin, éditeur du Courrier, a publié un article dans son journal pour tenter de trouver des renseignements et des photos sur les différents avions qui se sont écrasés dans notre région.  Pas un seul lecteur n’a répondu.

     Heureusement, le souvenir de certains sinistres était encore bien vivace dans l’esprit des personnes qui m’ont aidé le plus.  Outre les témoignages, j’ai aussi découvert quelques articles relatant des crashs.  J’ai aussi consulté, sans trop y croire, une source d’informations aujourd’hui incontournable et disponible dans une majorité de foyers : Internet.  Il est vrai que l’on y découvre aussi bien du bon que du mauvais, mais quelle ne fut pas ma surprise, après quelques soirées de recherches, de découvrir les informations tant recherchées.   Avec un peu de chance et beaucoup de patience, on trouve sur des sites anglais et américains, des détails sur le déroulement des journées de raids, avec le nombre d’avions au départ, le lieu de décollage, l’objectif du raid, les dégâts causés par les bombardements, le nombre d’avions abattus et parfois même des informations sur le pilote allemand qui a causé la perte du bombardier.

     Connaissant le nom d’un aviateur américain tombé en parachute au-dessus de Serinchamps, recueilli par la Résistance, mais arrêté quelques semaines plus tard dans la région d’Anvers, quelle ne fut pas ma surprise de trouver une photo de sa carte d’identité de prisonnier de guerre.

     Internet n’a pas fini de nous étonner et je suis persuadé que dans l’avenir on trouvera encore bien plus d’informations et de témoignages sur ces jeunes hommes venus des quatre coins du monde pour nous aider à chasser l’occupant et parfois trouver la mort en Belgique une nuit d’été.  Internet est un moyen de s’exprimer à peu de frais.

     J’ai aussi consulté une base de données, reprenant près de 5.000 sinistres survenus sur le territoire belge.  Elle est disponible au Centre de documentation du Musée Royal de l’Armée et d’Histoire Militaire.  Cette base de données est mise régulièrement à jour.  Nous avons découvert des sinistres qui n’y sont pas mentionnés.  Par contre, pour certains accidents relatés nous n’avons retrouvé aucun témoin.

     Pour les endroits de crashs localisés dans notre région, dans la mesure du possible, l’endroit d’un sinistre est donné avec précision, mais parfois approximativement.  Ceux-ci se sont souvent passés dans les bois, ce qui rend encore plus difficile une localisation précise, car on a peu d’éléments de référence, à part des arbres ou des sapins.  D’autre part, près de 60 années sont passées et il est compréhensible que certains souvenirs se sont estompés, d’autant plus qu’il n’est pas toujours évident, après autant d’années, de faire la part des choses entre ce que l’on a vu, ce que l’on a entendu à cette époque, ce que l’on a entendu d’autres personnes ultérieurement et, pour certains accidents, de ce que l’on a lu.  Faut-il pour autant ignorer ces derniers témoignages ?

     Parfois, certains témoignages, même des écrits d’époque, sont contradictoires.  Dans ces cas, nous apporterons en indice notre avis.  Certains aviateurs sont revenus sur les lieux où ils ont passé quelques jours de leur jeunesse, dans des circonstances souvent dramatiques.  Ils sont, bien entendu, de bonne foi lorsqu’ils narrent leurs aventures, mais peut-on toujours se fier sur la véracité des noms de lieux ou des noms de personnes qu’ils ont entendu prononcer une ou deux fois il y a 60 ans, alors qu’ils parlaient une autre langue et qu’ils habitaient un pays totalement différent du nôtre.

     Ces recherches sont provisoires.  Nous n’avons pas la prétention de tout savoir et d’avoir tout recherché sur ce sujet.  Pour cela, il faudrait avoir le temps et les moyens de compulser les archives, dont celles des armées allemande, anglaise et américaine.

      D’autre part, vu la quantité d’informations, cette étude sera publiée sur plusieurs numéros.

 

 1.  Préambule

 A.  Le début de la guerre – la Bataille d’Angleterre

     Le 3 septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne.  L’Angleterre et la France, fidèles à leurs engagements, déclarent la guerre au Reich, mais se gardent bien de lancer une opération offensive d’envergure.  Les accrochages occasionnels entre patrouilles et les duels aériens sont rares.  Les quelques bombardements sont symboliques.

     Le grand assaut lancé à l’aube du 10 mai 1940 par l’armée allemande écrase rapidement ses adversaires, tandis que la Luftwaffe règne en maîtresse du ciel.  Pour la R.A.F. c’est l’hécatombe car ses bombardiers sont décimés par les Messerschmitt Bf 109.  Très rapidement, la Belgique puis la France capitulent : la Grande-Bretagne se retrouve seule. 

     Seul le Bomber Command (aviation de bombardement britannique) reste en mesure de contrer l’ennemi.  Il perd de nombreux bombardiers au-dessus de l’Allemagne car le rayon d’action des chasseurs Spitfire et Hurricane ne permet pas de les escorter.  D’autre part leur armement défensif ne fait pas le poids face à la puissance de feu des chasseurs ennemis.

     Les attaques massives de la Luftwaffe sur les bases du Fighter Command, les usines, les ports et les aérodromes débutent le 13 août 1940.  Elles occasionnent des dégâts considérables.

     Le 7 septembre 1940, dans l’après-midi, le maréchal Goering déclenche l’opération « Loge »  qui va mettre les Anglais à genoux.  Six cent vingt cinq bombardiers, escortés de 648 chasseurs, bombardent Londres, au départ des aérodromes français et belge.  La première nuit du blitz est un enfer.  Le lendemain matin, on dénombre 430 tués, 1600 blessés et plus de 1000 incendies.  Les bombardements se répètent journellement, au début pendant la journée, ensuite la nuit, car les raids de jour sont trop coûteux pour l’aviation du Reich.  Les Anglais, tant bien que mal, résistent.

     La Bataille d’Angleterre continue.  La nuit du 14 au 15 novembre 1940, des centaines de bombardiers écrasent Coventry sous un tapis de bombes avec, entre autres, comme objectif de saper le moral de la population.  Cela ne fera qu’exacerber sa volonté de résister et de lutter envers et contre tout.

     En 1941, la Luftwaffe poursuit son offensive contre les villes et les centres industriels anglais, mais les raids ont perdu beaucoup de leur intensité car les Allemands ont manifestement abandonné leur projet d’invasion.  En mai 1941, la Luftwaffe reçoit l’ordre de mettre un terme à ses opérations et à se regrouper en Pologne car Hitler a des nouveaux projets : le 22 juin, il déclenche l’invasion de l’Union soviétique.

 

B.  Les Anglais attaquent le IIIe Reich

     Les Anglais réagissent et attaquent à leur tour les villes et les centres industriels du IIIème Reich.  Le Bomber Command effectue son premier bombardement important la nuit du 16 ou 17 décembre 1940 : 134 avions fondent sur Mannheim.

     En 1941, les résultats des raids sur l’Allemagne sont nettement insuffisants : perte de 1034 appareils, 4000 aviateurs morts ou disparus, un avion sur dix largue ses bombes dans un rayon de cinq kms autour de l’objectif, perte de 20 avions et équipages par semaine, pas de progrès dans le domaine de la navigation.  La R.F.A. décide alors d’utiliser le bombardement de zone, imitant en cela la Luftwaffe.  Cette tactique sera utilisée jusqu’à la fin de la guerre et fera des centaines de milliers de morts.

     Le moral des aviateurs britanniques est au plus bas.  Heureusement, les pays du Commonwealth vont fournir un effort très important et des volontaires sont affectés en Angleterre, principalement à partir de 1941.  Au premier juin 1943, le Commonwealth fournira 37 pour cent des pilotes du Bomber Command.  La R.A.F. comprenait des Canadiens, des Australiens, des Néo-Zélandais, des Polonais, des Français, des Tchèques et quelques centaines de Belges.

     L’Air Marshal Harris prend le commandement du Bomber Command le 22 février 1942 et change radicalement l’organisation de son groupe.  Dans la nuit du 30 au 31 mai 1942, il rassemble plus de 1000 bombardiers avec comme objectif la ville de Cologne : près de 5.000 constructions sont détruites, il y a 469 morts et 45.132 sans-abri.  L’ère des raids de petites envergures est définitivement révolue.

     Au fil des mois, les bombardements vont s’intensifier et continuer jusqu’à la fin de la guerre, comme par exemple le 12 mars 1945 où 1.107 bombardiers de la R.A.F. vont écraser Dortmund, sous 4.851 tonnes de bombes ou dans la nuit du 30 au 31 mars 1944, lors du raid sur Nuremberg, qui se solda par un désastre sans précédent, car sur 795 appareils engagés, 95 ont été abattus et 71 endommagés.

     Rien que pour le Bomber Command de la R.A.F., qui a effectué 389.809 sorties, il y a eu 55.573 tués.  Au cours des 1.481 nuits de raid, soit 7 nuits sur 10, plus de deux millions de tonnes de bombes ont été larguées et 10.321 appareils ont été perdus, ce qui fait une moyenne d’environ 3 pour cent de pertes par raid.

 

 C.  La 8e USAAF s’installe en Angleterre

     Un évènement capital se produit le 7 décembre 1941, les Japonais attaquent Pearl Harbor et y détruisent une grande partie de la marine américaine.  Les Etats-Unis entrent en guerre contre le Japon et ses alliés, ce qui va bouleverser le cours de la guerre car les Américains vont intervenir sur tous les fronts où les Britanniques sont impliqués.

     La puissante 8e USAAF (U. S. ARMY AIR FORCE) s’installe dans l’Est de l’Angleterre, face aux côtes hollandaises et danoises, en 1942.  Près de 75 grandes bases aériennes US sont construites, dont plus de la moitié sont réservées aux « Forteresses Volantes » B-17.  Les autres bases regroupent les bombardiers moyens, ainsi que plusieurs centaines de chasseurs et des groupes de transport et d’observation.

  

D.  L’organisation des raids

     Les Britanniques choisissent l’option des raids nocturnes.  Le but avoué est de réduire les villes allemandes en cendres et ainsi de démoraliser les habitants.  Ce ne fut pas le cas et comme lors de la Bataille d’Angleterre les populations galvanisèrent leurs énergies pour résister aux bombardements. 

     Les Américains par contre privilégient le bombardement de jour, permettant d’atteindre, en principe, les objectifs avec précision.

     Pour accomplir les raids sur les forces du Reich, des groupes de 50 à 60 appareils décollent de leur base respective et se rassemblent au-dessus de l’Angleterre pour constituer des vagues allant jusqu’à 1.000 appareils.  En formation très serrée et étagée ces groupes de bombardiers empêchent ou du moins réduisent le risque d’attaque de la chasse allemande.  Les bombardiers sont accompagnés jusqu’à la lisière de l’Allemagne par des centaines de chasseurs alliés, mais vu leur rayon d’action limité, passés la frontière, les bombardiers sont laissés à leur triste sort et les pertes sont catastrophiques.  L’absence d’accompagnement par des chasseurs alliés se fait cruellement sentir de nuit comme de jour.

  

E.  Les défenses allemandes

     Goering, le maître de la Luftwaffe, ne reste pas inactif pour contrer les Anglais.  Il a créé la première chasse de nuit en juillet 1940.  De redoutables obstacles sont dressés sur la route des bombardiers : radars, batteries de D.C.A., projecteurs et chasseurs puissamment armés, guidés par des techniciens expérimentés.  Dès que des mouvements sont détectés, les avions disponibles reçoivent l’ordre de décoller pour tenter d’intercepter les assaillants.  Pour notre région, les bases de la chasse allemande sont installées à Gilze Rijen (Hollande), Saint-Trond et à Laon-Athies (France).  Ce secteur est très vaste et pour combler le vide entre ces deux dernières localités (180 km) les Allemands construisent une base à Florennes.  La première piste est achevée en mars 1943.  L’aérodrome est opérationnel en août de la même année.

     Peu d’avions alliés sont interceptés lors du passage vers leur raid en Allemagne, car ils sont bien groupés.  Arrivés sur l’objectif, certains bombardiers sont détruits par la Flak (canon antiaérien).  Parfois, ils touchent les lignes électriques haute tension.  C’est lors du retour que les Messerschmitt Bf 109 et Bf 110, les Focke Wulf 190 et les Junkers 88, bien équipés, attaquent les bombardiers esseulés, causant beaucoup de pertes. 

  

2.  Une forteresse volante s’écrase entre Buissonville et Serinchamps

 A.  La mission du 2 mars 1944

     Le 2 mars 1944, 327 bombardiers B-17 et 154 bombardiers B-24, escortés de 33 Lightning P-38 et de 111 Mustang P-51 décollent de plusieurs bases situées en Angleterre, avec comme objectif le centre de triage de la ville de Francfort.  

     Des avions éclaireurs sont chargés de marquer l'objectif avec des bombes fumigènes qui laissent une traînée bien visible.  Les bombardiers des autres unités n’ont plus qu’à lâcher, si j’ose dire, en groupe, un généreux tapis de bombes.  Une défaillance du système de marquage survint et seulement 101 avions atteignent l’objectif principal.

     En ce qui concerne les B-17, 103 ont frappé Francfort-Offenbach, 49 bombardent Ludwigshafen, ville située à environ 90 km au sud de Francfort, 20 frappent Limburg, localité sise à environ 75 km au N/O de Francfort, 12 bombardent Fischbach, village localisé à environ 120 km au S/O de Francfort et 8 frappent d’autres cibles.  On est loin des frappes dites chirurgicales d’aujourd’hui.  Le bilan est lourd, huit B-17 sont perdus, un aviateur est tué dans l’action, 5 sont blessés et 80 sont portés disparus.

     Pour les B-24, 36 ont atteint l’objectif principal et 46 ont atteint des opportunités d’objectifs.  Un B-24 est perdu, 3 sont endommagés, il y a 16 aviateurs tués lors de l’attaque, 4 blessés et 11 sont portés disparus.  Plusieurs avions de l’escorte sont abattus et des pilotes perdent aussi la vie.

     Selon des règles bien établies, les équipages homologuent leurs victoires sur les appareils ennemis abattus.  Ces victoires font l’objet d’un classement des as de l’aviation.  Inutile de dire combien ces scores étaient surévalués.  Pour cette mission les bombardiers revendiquent la destruction de deux avions de la Luftwaffe et l’endommagement de deux autres.   Les unités équipées de P-47 Thunderbolt réclament les homologations de 13 avions abattus, deux probables et de trois appareils endommagés.

   Ces chiffres dévoilent les pertes énormes généralement encourues lors d’un raid [1].

 

B.  Le bombardier « Old Hickory »

     Un de ces avions nous intéresse particulièrement.  Il s’agit du Boeing B-17G, n° 42-97509, surnommé « Old Hickory» piloté par Damon Elder, appartenant  au 303 Bomber Groupe – 358e escadron, basé à Molesworth.  Ses neuf autres compagnons d’infortune sont David L. Wilson, James R. Burns, Norman M. Clark, Mario D. Garcia, Daniel F. Gilmore, Frank J. Mirenda, Edward B. Connors, Verden D. Swank et Albert W. Stravinsky.

     Le décollage se passe bien, mais avant d’arriver sur l’objectif assigné, le bombardier est attaqué par deux Messerschmitt 109S.  Avec un moteur en feu, l’avion rebrousse chemin et s’écrase dans les bois du Thier de Longuire, dans le triangle formé par les localités de Buissonville, Serinchamps et Haversin, à proximité du chemin de Messe, qui débute près de la tour « du dessus » ou « tour Mengal » à Serinchamps.

     Willy Dardenne : « J’étais à l’école de Buissonville.  Soudain, j’ai entendu un avion dont les moteurs ronronnaient bizarrement.  Je suis sorti de la classe… ».  Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les cinq aviateurs recueillis par Armand Magerat posent sur ce cliché pris à Forzée : on reconnaît de gauche à droite, debout : le 1er Armand Magerat, le 2e Carlos Andriata, le 4e Gaston Gotal, le 9e Jean Stéphany et le 2e accroupis Guy Arcq. 

 

 

 

 

 

 

 

C.  L’avion est récupéré

 

    Ariste Goblet [2] : « Les Bourgmestres avaient reçu l’ordre de l’Autorité occupante de faire garder les appareils tombés jusqu’à l’arrivée des Allemands et même bien souvent jusqu’à l’enlèvement complet des débris.  Les Germains avaient un important besoin en métaux et le moindre fragment était récupéré et expédié dans leur pays pour fabriquer des avions.  A Serinchamps, nous avions un bourgmestre fort humain.  Pour éviter au maximum le départ de jeunes pour le travail obligatoire en Allemagne, Charles Sovet m’avait fait nommer, ainsi que Alphonse Deskeuvre, aujourd’hui décédé, comme pompier.  Moi, j’ai été nommé le 1er janvier 1943… ».  Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

     Georges Taviet [3] : « Un aviateur est tombé derrière notre ferme exploitée par mon père Nestor.  C’est la ferme qui a ensuite été tenue par Céleste Solot et aujourd’hui par J. Paris.  L’Américain a été recueilli par notre famille.  J’ai été chargé de récupérer le parachute.  Celui-ci a servi à confectionner des vêtements.  Cet aviateur, ainsi qu’un autre, ont été envoyés par Aimé Paquet à la ferme de Franlieu, exploitée par Félix Daoust… ».  Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

      Félix Daoust exploitait la ferme de Franlieu.  Il était connu dans la région pour recueillir les soldats alliés et les faire évacuer par une filière d’évasion.  D’après les informations que nous possédons, Félix Daoust évacuait ces hommes par l’intermédiaire d’Armand Magerat de Forzée.

      Dans les derniers mois de la guerre, il a été soupçonné de collaboration avec les Alliés.  Un matin, les Allemands se sont présentés à la ferme pour le capturer,  mais il était absent.  En représailles, son frère Auguste, futur époux de Nelly Meurice, a été fait prisonnier.

 

D.  Les aviateurs sont récupérés

     Dix aviateurs se trouvaient dans le B-17 [4].  Dans un rapport digne de foi, daté du 14 août 1945, Armand Magerat cite le nom des six Américains recueillis par ses soins, dont un tué.

    Un autre soldat a perdu la vie. 

    Deux ont été dissimulés par Maxime Lissoir. 

    Un aviateur a été capturé à Serinchamps en même temps que Aimé Paquay et Félix Daout, membres de la Résistance. 

      Philomène Dardenne : « Félix Daout et Aimé Paquay ont été capturés avec un aviateur qu’ils avaient retrouvé.  Ils ont tous été conduits à la Commandature à Marche.  Pour se sortir d’affaire, Félix et Aimé ont fait croire qu’ils avaient capturé l’Américain pour le livrer aux Autorités occupantes» (entretien du 22 juin 2004).

     Deux autres Américains sont récupérés par Maxime Lissoir.  Ce dernier, âgé de 17 ans lors des faits, raconte son inoubliable aventure.  « Nous sommes le jeudi 2 mars 1944, en début d’après-midi.  Le sol est couvert de neige et le froid est intense.  Je me trouve à proximité de la maison de mes parents Aux Basses et je me prépare pour livrer du beurre à Marche-en-Famenne.  Soudain, j’entends et je vois un avion en détresse… » .  Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

  

E.  Louis Piérard relate le sinistre…

     Louis Piérard dans le Journal du Canton de Ciney du 3 décembre 1944, dans la rubrique « Les propos du loup », sous le titre « Comment on les sauvait » écrit [5]:  « Je voudrais conter la simple et véridique histoire du sauvetage audacieux d’un équipage de bombardier américain, touché chez nous, au retour d’un raid sur l’Allemagne par le groupe « Armand » de Forzée, ce groupe merveilleux, dont les exploits sont légendaires et qui trouva des chefs à la mesure des soldats.  Je me propose de rendre, quelque jour, aux uns et autres, l’hommage qui leur revient.

     Donc, le 12 février 1944 [il s’agit en réalité du 2 mars], des escadrilles américaines, venant de l’Est, survolent la région ; le sol est couvert de neige, le froid est vif, la visibilité assez bonne.  Soudain, un hurlement de moteur signale, à n’en pas douter, un appareil en détresse.  Il apparaît d’ailleurs bientôt, perdant rapidement de l’altitude : la chute s’accélère, devient vertigineuse et, dans une explosion effroyable, la machine s’abat dans le bois communal de Buissonville, labourant le sol, rasant les taillis, s’émiettant en mille pièces, s’arrêtant enfin contre une colline boisée dans laquelle les moteurs s’enfoncent et disparaissent à peu près complètement.  C’est une forteresse volante et… personne à bord !  Or, nous savons qu’une forteresse a un équipage de neuf à dix hommes.  Où sont-ils ?  La réponse arrive deux minutes plus tard.  De la grisaille, au-dessus du bois de Halleux, entre Haversin et Buissonville, un, deux, trois… huit parachutes descendent lentement ; ils soutiennent chacun un aviateur dont la silhouette se dessine, nette, émouvante, balancée doucement par le vent du nord qui, là-haut, doit être assez violent.  Les hommes du groupe échangent un regard ; pas une parole n’est prononcée ; par les sentiers couverts, ils se coulent vers le bois, malgré le danger que constitue la trace des pas dans la neige.  Ce fut très simple et très rapide.  Guy cueille le premier parachutiste au moment où il atterrit ; à Georges le second, Jean s’adjuge le troisième ; Camille Sauvenière, sauvagement assassiné plus tard par les tueurs rexistes, enlève audacieusement le 4e au milieu de plus de cinquante curieux accourus sur les lieux de la chute ; Félix et Aimé, un gosse de 16 ans, sortent du bois escortant le cinquième ; ils se trouvent nez à nez avec une patrouille allemande de sept hommes ; pris tous les 3, ils sont jetés dans un camion qui les conduit à Marche.  Aimé connaît quelques mots d’anglais ; au cours du trajet, ils échafaudent une explication que les boches, médusés, acceptent et nos deux gaillards rentrent chez eux, le soir, pleurant de rage d’avoir dû livrer leur aviateur ; un sixième est retrouvé vers le soir ; les deux derniers arriveront dans la nuit, ramenés par nos infatigables batteurs d’estrade.  Deux parachutistes, hélas ! ne se sont pas ouverts.  Au petit jour, un courrier annonce qu’il a découvert un cadavre dans les bois de Hogne.  La nuit suivante, Armand et les deux Grand-Ducaux qu’il héberge depuis des mois s’en iront là-bas, le ramèneront sur une charrette à bras, fabriqueront un cercueil et l’inhumeront au cimetière de Forzée où leurs compagnons d’armes viendront le reprendre après la Libération.  L’autre ne sera découvert que plusieurs jours plus tard et sera emporté par les Allemands.  Sur dix aviateurs, l’ennemi a donc réussi à s’emparer d’un mort et d’un vivant.  Les sept rescapés sont hébergés dans une petite maison en bordure du village de Forzée, maison inhabitée que nous avions louée à… toutes fins utiles.  Mais tout n’est pas fini, certes non.  Il faut, dans le plus grand secret, trouver costumes civils, pardessus, coiffures, vivres, etc.  Un gaillard athlétique, 1 m. 95 de stature, donne un tintoin du diable.  Il fait craquer tout ce qu’on trouve et il faut toute la science d’un tailleur bénévole pour arranger les choses… et encore.  Il faut des papiers d’identité, des photos ; heureusement, on possède cartes et cachets, et imiter une signature est devenu l’enfance de l’art.  Tout va bien de ce côté.  Les amis descendus du ciel prennent un repos dont ils ont grand besoin, veillés par Armand et ses hommes.  Le lendemain, la situation se complique : trois cents hommes de la brigade rexiste envahissent la région, fouillent à Haversin, à Haid, où ils brutalisent la population ; mais rien n’a transpiré et ils ne pensent pas à venir faire un tour à Forzée où pourtant le groupe reste en alerte et place des guetteurs cachés aux abords du hameau.  Une autre complication surgit : dans un pavillon appartenant au notaire Dubois, de Rochefort, et mis gracieusement à notre disposition par son propriétaire, nous hébergeons douze officiers et soldats russes évadés des camps de prisonniers : or, ce pavillon se trouve à 50 mètres à peine de la grand’route, entre Buissonville et Forzée à la lisière du bois des Halleux où nos parachutistes sont descendus ; ils sont chez nous depuis trois mois déjà ; une battue les ferait découvrir ; on décide de les évacuer ; dans la neige, ils ne laisseront qu’une seule trace, car le second met ses pas dans ceux du premier, les autres suivent et ils gagnent le bois du Ban, derrière Forzée ;  il se trouvera hélas ! un traître pour les dénoncer ; attaqués le lendemain par les « noirs », ils se replieront à travers bois, laissant sur les lieux du combat deux des leurs, massacrés par les rexistes, dans une lutte inégale.  Je les vois encore : le premier, un instituteur de Kibitchef, un géant aux yeux doux, le second, un brancardier, caucasien, bronzé, brave comme une épée, tué à côté de son compagnon blessé qu’il n’a pas voulu abandonner.

     L’alerte dure trois jours ; on attend 2 jours encore ; nul ne se doute que la petite maison hospitalière abrite les sept aviateurs que les Allemands cherchent partout.  Enfin, dans la nuit, une nuit claire, sous un ciel constellé d’étoiles nos  hommes sont amenés à Vignée où ils prennent le train matinal pour Dinant.  Là, dernière et chaude alerte.  Le « Nancy » dans lequel ils doivent s’embarquer a un retard de trois heures, ils doivent donc stationner à la salle d’attente.  Or, vers huit heures, le trop fameux Willem, un traître engagé au service de la Gestapo, arrive devant la gare et doit procéder à la vérification des papiers de tous les voyageurs.  Mais la Providence veillait sur les soldats.  Il se trouva quelqu’un pour intercepter Willem, lui raconter des histoires, l’emmener au café et lui faire… rater le coche.

Ami lecteur, ne demande pas comment les parachutistes regagnèrent l’Angleterre.  Le moment n’est pas venu de lever ce coin du voile.  Je te le conterai plus tard si Dieu me prête vie.  C’est suprêmement émouvant.

                                                                                        LOUP DES BUISSONS ».

 

 F.  Le château de Vignée point de départ d’une filière d’évasion

     Lorsque des aviateurs tombaient sur notre territoire occupé, ils faisaient l’objet d’une course effrénée entre les Allemands et les membres de la Résistance ou de l’Armée Blanche qui tentaient de les récupérer, les premiers pour les mettre « à l’ombre », les autres pour les faire rejoindre l’Angleterre… 

      A Anvers, la famille De Deken était active dans un réseau de Résistance.  Au début 1944, Marie De Deken (fille aînée) crée une filière de transfert des aviateurs alliés au départ d’Anvers vers Barcelone, via le Tournaisis, Lille, Béthune et ensuite la traversée de la France.  Marie De Deken est en relation étroite avec Madame Delhaye du château de Vignée.  Cette dernière récupère et cache les aviateurs alliés tombés dans la région [6].   Ils sont pris en charge par Marie De Deken à partir de Vignée.

     Sept des huit aviateurs tombés à Serinchamps ont été recueillis par deux ou trois mouvements de Résistances de la région.  Ils ont été regroupés et cachés à Vignée, puis transférés à Anvers, pour connaître des destins différents.

  

Recto et verso d’un cliché offert à Armand Magerat par E. Connors, sans doute lors de sa visite à Forzée.  Il s’agit de l’équipage qui a volé le 6 février 1944 avec le Lt  Watson comme pilote.  Parmi ces dix aviateurs il y a James Burns, Norman Clark et Edward Connors tombés à Buissonville moins d’un mois plus tard.  « Un grand merci pour la grande aide de mars 1944 ».

 

G.  Que sont devenus les aviateurs ?

     Malgré les courriers d’époque que nous possédons, il n’est pas possible de déterminer parmi Albert W. STRAVINSKY, Verden SWANK et Mario GARCIA celui qui a été capturé à Serinchamps et ceux qui ont été cachés par Maxime.

     Dans son courrier du 4 août 1945, Daniel Gilmore affirme qu’il a traversé toute la France avec A. Stravinsky.  Cela doit être exact. 

    Dans sa lettre datée du 7 septembre 1945, E. Connors révèle qu’il a traversé la France avec V. Swank et que  M. Garcia a été capturé près d’Anvers. 

    En ce qui concerne V. Swank cela doit être véridique.  Comment ne pas se souvenir du nom de son compagnon d'escapade ?   Par contre, E. Connors n’avait jamais avant ce vol, fait équipe avec M. Garcia.  Il est donc possible qu’il ne le connaisse pas bien et qu’il ait cité ce nom par erreur.

     Quoi qu’il en soit, voici ce qu’il est advenu des membres de l’équipage.  Nous citons en premier lieu les noms des deux tués, ensuite celui des cinq aviateurs recueillis à Forzée.

 David L. WILSON (sergent).  Il a été tué lors du parachutage et son corps a été récupéré par Armand Magerat non loin du sinistre.  Nous reviendrons longuement sur ce soldat.

 James R. BURNS (lieutenant, co-pilote).  Selon E. Connors, il a été tué dans le crash, lors de sa 12e mission.  Selon Louis Piérard, un cadavre a été découvert dans les bois de Hogne et l’autre ne sera découvert que plusieurs jours plus tard et sera emporté par les Allemands.  En admettant que ces informations soient exactes, s’agit-il des deux aviateurs du crash de Serinchamps ? 

Il est aussi parfois question qu’il aurait été carbonisé dans l’avion lors du crash.  Il n’y a donc aucune certitude sur l’endroit où il a perdu la vie.

 Damon C. ELDER (lieutenant et pilote de l’avion).  Il est récupéré par la Résistance et caché à Forzée du 2 au 7 mars.  Il a été capturé par la Gestapo près d’Anvers, avec F. Clarck et F. Miranda, après avoir été caché pendant deux semaines. 

Norman M. CLARCK. Il est récupéré par la Résistance et caché à Forzée du 2 au 7 mars.  Il a été pris par la Gestapo à Anvers, le 22 mars.  Il a fait sa carrière dans l’Armée de l’Air des E-U pendant 32 ans et a participé au conflit de Corée.  Il est revenu à Forzée en 1994 ou 1995.  Il est décédé le 22 novembre 2002.  Dans un courrier, publié ci-après, il commente son aventure.

 Frank J, MIRANDA (sergent).  Il est récupéré par la Résistance et caché à Forzée du 2 au 7 mars.  Il a été capturé par la Gestapo à Anvers.

 Daniel F. GILMORE (sergent).  Il est récupéré par la Résistance et caché à Forzée du 2 au 7 mars.  Il se réfugie chez Maddy De Deken à Anvers.  Il fait la connaissance d’un autre pilote américain, le Lt Moriarty.  Avec ce dernier, Mme De Deken, A. Stravinsky, il traverse la France.  A Toulouse, nos compères se séparent en deux groupes.  Daniel Gilmore est capturé avec A. Stravinsky dans les Pyrénées.   Son extraordinaire aventure est narrée ci-après.

Edwards B. CONNORS (lieutenant).  Il est récupéré par la Résistance et caché à Forzée du 2 au 7 mars.  Après avoir transité par Vignée et Anvers, il a été fait prisonnier près de la frontière espagnole, en présence du sergent Swank.  Il avait effectué 7 missions avant.  Son courrier envoyé à Armand Magerat relate son aventure.

Albert W. STRAVINSKY (lieutenant).   Après son passage par Vignée, il se retrouve à Anvers.  Il suit D. Gilmore et est capturé dans les Pyrénées.

Verden SWANK (sergent).  Après son passage à Anvers, il est fait prisonnier près de la frontière espagnole en même temps que E. Connors.

 Mario GARCIA (sergent).  Selon E. Connors, il a été capturé près d’Anvers.  Nous pensons qu’en réalité il a été capturé à Serinchamps le jour du sinistre.

 

  

 

 

 

C’est dans cette maison de Forzée, transformée depuis lors, que les aviateurs ont été cachés quelques jours en mars 1944.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

H.  David Wilson, mort dans un coin de notre Famenne…

     Peu de temps avant le crash, les aviateurs ont sauté en parachute.  Le destin a voulu que David Wilson perde la vie : la faute à pas de chance... 

     Philomène Magerat-Dardenne : « David Wilson a été retrouvé dans un buisson dans le bois des Halleux.  Une branche avait transpercé sa tête, derrière l’oreille.  Pourtant son parachute s’était ouvert normalement.  Armand, Adolphe Marquet et Jean Stéphany l’avaient transporté avec la charrette à bras de Valérie Dardenne-Destrée.  Valérie, en fournissant cette charrette avaient pris beaucoup de risques car son nom était indiqué dessus car elle servait pour aller moudre le grain à Buissonville.  Joseph Duchêne lui avait fait un cercueil » (entretien du 10 février 2004).

     Quelques courriers ont été échangés entre Armand Magerat et les parents de l’aviateur.  Il nous a paru intéressant de reprendre quelques extraits.  Ils permettent de percevoir le désarroi des parents qui ont perdu leur fils, leur tristesse, leurs préoccupations, comme par exemple la sépulture de leur garçon et le drame pour cette famille d’avoir envoyé plusieurs enfants à la guerre.  Neva P. Wilson habitait : R3, Boy 257A Cumberland.

 

     Courrier du 22 janvier 1946 : « J’ai reçu une lettre du Lt Connor le chef de mon fils ( Sgt David L Wilson - 33066121) qui dit que vous avez trouvé le corps de mon fils en mars 44 et que vous lui avez donné un cercueil et aussi que plus tard on l’avait transporté au cimetière américain.  Vous ne pourriez croire le bien que cela nous fait d’apprendre qu’on en a pris soin et qu’il n’est pas sans cercueil comme tant de ces pauvres âmes dans ces camps maudits… ».  Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

     Courrier du 19 avril 1946 : « Il y a si longtemps que ceci est arrivé et jusqu’à présent je ne puis croire que mon fils est parti pour ne jamais revenir.  Il était un si bon si aimable garçon et il me manque plus que les mots ne peuvent le dire.  Cette horrible guerre nous a fait tant à nous tous et a laissé des blessures que l’on ne peut guérir… ».  Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

     Courrier du 5 juin 1946 : « J’ai reçu votre lettre du 28 mars et j’ai été très heureuse de la recevoir et de recevoir les informations que vous me donnez.  Depuis que mon fils est mort, je suis contente que cela s’est passé ainsi car je ne crois pas qu’il ait souffert seulement avant d’avoir quitté l’avion... ».  Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

     David Wilson a dans un premier temps été inhumé dans le cimetière de Forzée.  A la fin des hostilités son corps a été transféré au cimetière de Fosses-la-Ville.  Dans un courrier, daté du 20 juin 1947, on apprend que la sépulture a été adoptée par la famille Verbaert (26, rue de Bruxelles à Fosses-la-Ville).  Il semble que sa dépouille a été transférée depuis lors au cimetière militaire de Henri-Chapelle.

  

I.  Les pérégrinations de trois de nos aviateurs

     Après la guerre, Armand Magerat a échangé plusieurs courriers avec ses protégés.  Nous en reproduisons trois ci-après.

     Lettre du 7 septembre 1945, de E. Connors : « J’ai été très heureux de recevoir votre lettre avec toutes les nouvelles concernant les membres de l’Armée Blanche, mais je suis désolé d’apprendre la mort de Jean et du docteur russe.  J’espère que votre ville n’a pas été endommagée par les troupes de passage et je me souviendrai toujours du village où nous avons été si bien traités.  Comment vont mes amis Emile Laroche et sa mère ?

    Tous les membres de mon groupe que vous avez aidés sont rentrés à la maison, sains et saufs, bien que je regrette de dire que nous avons été tous capturés par les Allemands et n’avons été libérés qu’à la fin de la guerre.  Après que nous vous avons quittés, nous avons séjourné deux semaines à Anvers chez Maddy De Decker.  Vous vous souviendrez d’elle, la petite blonde que vous avez rencontrée chez Mme « Home in Vinnes ».  Mais quelqu’un informa les Allemands et nous avons dû la quitter.  Le lieutenant Elder et les sergents Miranda et Garcia furent capturés alors avec M. et Mme De Decker, mais les autres parmi nous ainsi que Maddy purent se sauver.  M. et Mme De Decker furent libérés quand Anvers fut prise plus tard.  Le sergent Swank et moi-même traversâmes la France à bicyclette et fûmes finalement faits prisonniers près de la Méditerranée à la frontière espagnole.  J’ai été gardé en prison d’abord à Francfort, ensuite en Poméranie jusqu’à la fin de la guerre.

    Vous souvenez-vous des vêtements que vous m’avez donnés ?  Je les ai portés pendant les huit mois qui suivirent et ils sentaient rudement mauvais quand je m’en suis débarrassé.  J’avais aussi une paire de bas de laine qu’une famille française me donna.

    N’avez-vous jamais rien entendu au sujet de mon co-pilote, le lieutenant James Burns qui a été tué dans le crash où le sergent Wilson fut également tué ?  Si vous savez quelque chose, écrivez-moi, car leurs parents sont anxieux de connaître quelque chose les concernant et je pense qu’ils  aimeraient connaître où tous deux ont été inhumés de sorte qu’ils puissent identifier les tombes.  J’aimerais beaucoup avoir des reproductions des photographies que vous avez prises, spécialement du combat de boules de neige.  J’essaierai de vous envoyer quelques cigarettes américaines, bien que cela puisse ne pas être possible parce qu’elles devront passer par la douane et que je ne connais pas exactement la tolérance.

    Remettez, s’il vous plaît, mes compliments à tous les braves gens de Forzée qui nous ont aidés et mes sincères remerciements pour leur aide précieuse.

    Au revoir et bonne chance ! »[7].

 

 

 

 

 

 

 

En mai ou juin 1957, pour fêter ses dix années de mariage, l’aviateur est revenu avec son épouse à Forzée.  Ce cliché a été pris à l’emplacement de la chute du bombardier.  A cette époque, quelques petits débris jonchaient encore le sol.  De gauche à droite l’aviateur, Philomène Magerat-Dardenne, Armand Magerat et l’épouse de l’aviateur posent pour la photo.  Le nom de l’aviateur n’est pas resté dans les mémoires.  Nous pensons qu’il s’agit d’Edward Connors car le 29 mai 1957 il a dédicacé et offert à Armand Magerat une photo d’un bombardier.

 

 

 

       

 

 

 

 

    Lettre du 7 octobre 1945 de Norman Clark (traduite par le Haut Commissariat pour la défense de la Population Civile de Marche-en-Famenne, 15, Petite rue Porte-Haute) : « j’ai souvent pensé à vous tous et me suis demandé comment tout s’était passé après notre départ de Forzée.  J’étais avec Frank Mirenda et Damon Elder.  A Anvers, pris par la Gestapo et détenu comme espions et saboteurs pendant 84 jours dont 70 jours passés en cellule secrète… ».   Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

     N. Clark est revenu à Forzée en 1994 ou 1995 revoir les lieux.  Dans un courriel du 18 février 2000, adressé à Philippe Dufrasne, il narre une nouvelle fois son aventure.  Nous ne reproduisons pas ce texte car le récit qu’il fait des évènements est trop différent du contenu de son courrier de 1945 : près de 50 années sont passées… 

 

    Lettre du 4 août 1945 de Daniel Gilmore : « J’ai reçu votre charmante lettre, aujourd’hui et comme vous me dites que vous êtes anxieux d’avoir de mes nouvelles, je vous écris de suite.  Je vais essayer de vous donner tous les détails des aviateurs qui étaient à Forzée.

    Beaucoup de choses sont arrivées après avoir quitté votre protection que je ne sais par où commencer.  Comme vous le savez, nous sommes allés à Anvers avec une jeune belge, Mlle Maddy De Deken.  Avant d’arriver à Anvers, nous avons rencontré un pilote américain le Lt Moriarty et il nous a rejoints.  Nous sommes restés chez Maddy pour une semaine et elle, Moriarty, Lt Stravinsky (il était dans mon avion) nous sommes partis pour l’Espagne… ».   Pour la suite de ce témoignage, je vous renvoi à l’étude originale publiée dans les revues du Cercle Historique de Rochefort et de Ciney.

     Ainsi se termine la relation d’un des 5000 craschs qui a eu lieu sur notre territoire lors de la dernière guerre.  En fin de compte, après bien des péripéties, tous les aviateurs qui ont eu la chance de sortir indemnes du sinistre ont été capturés avant de rejoindre l’Angleterre.

 

                                                                                                 Amand Collard

      Je remercie Robert Blervacq, Marguerite Bovy, Willy Collignon, Willy Dardenne, Jules Delhaise, Philippe Dufrasne, Joseph Dominé, Maurice Forest, Francis Gauthier, Camille Georges-Raiwet, René Gillard, Ariste et Léa Goblet-Meunier, François Graide, Jean-Pierre Henrotin, Marcel Lambert, Maxime Lissoir,  Philomène Magerat-Dardenne, Jeannine Magerat, Franck Ruffino, Eli Streignard, Georges Taviet et Pierre Valentin pour leur aide précieuse.

 Sources:

-    COLLARD Amand.  Une forteresse volante s’écrase entre Haversin, Buissonville et Serinchamps.  Cercle Historique de Rochefort, cahier n° 39, 2004.

-    COLLARD Amand.  Une forteresse volante s’écrase entre Haversin, Buissonville et Serinchamps.  Cercle Culturel de Ciney, cahier n°, 2005.

 

[1] Selon le site INTERNET « United States Army Air Forces in World War II ».

[2] Selon un entretien avec Ariste Goblet (1922-2003), le 12 février 2003.

[3] Entretien avec Georges Taviet de Serinchamps, le 12 février 2003

[4] Une page du site Internet de l’association du 303rd Bomb Group « Hell’s Angels » est consacrée à ce sinistre.  Toutefois, il y a beaucoup d’imprécisions sur les faits relatés.

[5] Louis Piérard est né à Buissonville en 1891 et y a été instituteur de 1916 à 1946.  Pendant ses heures libres, il est journaliste.  Nous retrouvons ses centaines d’articles sous le pseudonyme de Loup des Buissons, principalement dans le Journal du Canton de Ciney, de 1919 jusqu’à son décès survenu en 1956.  Pendant la guerre, il entre dans la résistance, en tant que chef de secteur au service de renseignements Bayard, section « Lion Belge », sous l’indicatif 2454. 

En ce qui concerne l’article du crash de la forteresse à Serinchamps, nous pensons qu’une bonne partie de l’article est assez romancé et qu’il y a certaines imprécisions, comme par exemple la date du sinistre, le sauvetage des aviateurs et bien entendu la fin de l’article qui laisse entrevoir l’arrivée des aviateurs en Angleterre, ce qui est erroné, mais il ne pouvait le savoir à cette époque.  Dans ce texte, publié le 3 décembre,  des noms de résistants sont cités : moins de trois semaines plus tard, les Allemands étaient de retour…  

Cet article a aussi été repris dans l’ouvrage de Madeleine Dom, Histoire de la Résistance, tome 2, pages 46 à 48, ainsi que par Jean-Pierre Henrotin dans un numéro du Courrier, en octobre 1991.

 [6] Courrier de Robert Blervacq, adressé à Maxime Lissoir, le 31 mai 2002.

[7] Ce courrier a été publié dans l’ouvrage de Madeleine Dom, Histoire de la Résistance captivité, souffrance, lutte, espoir.  La dryade, tome 2, Virton 1981, ainsi que par Jean-Pierre Henrotin dans un numéro du Courrier